Au terme de leur formation de trois ans, on les imagine tout heureux, pleins d’espoir pour l’avenir. Et voilà qu’Olivier Lépine, en collaboration avec Alan Lake, les campe dans un univers sombre et inquiétant dont ils ne sortiront peut-être pas indemnes. Je ne te vois plus a quelque chose de paradoxal dans les circonstances, mais jamais autant que dans la beauté qui se dégage de cet opus en clair-obscur, qui met aussi en scène les élèves de première année.
Pendant près de deux heures, les ombres se forment et se déforment sous les jeux d’éclairage partiel, au gré d’une riche trame sonore qui épouse les mouvements comme les émotions des artistes, partagés entre l’attente et l’urgence. La musique sert non seulement l’histoire d’une communauté cloîtrée sous terre, mais elle s’harmonise avec chaque numéro pour offrir une expérience sensorielle vibrante. Du Richard Desjardins (Signe distinctif) pour accompagner le diabolo, ça vient te chercher comme il faut.
De la cohésion
Aussi n’est-ce pas nécessairement la performance des artistes en soi qu’on retiendra en premier lieu de cette édition – quoiqu’elle aura suscité des exclamations de peur ou de plaisir par moments –, mais l’ensemble du tableau, chaque élément se nourrissant l’un l’autre dans une belle cohésion.
En témoigne notamment le quintette de sangles aériennes nouveau genre : tous ces corps positionnés différemment dans l’espace, tantôt en suspension, tantôt en mouvement, comme si, dans un dernier élan d’espoir, chacun essayait de se sortir de cet enfer comme il pouvait, faute d’avoir réussi en groupe. La routine offre un visuel d’ensemble fort pour un numéro dont l’exécution est somme toute simple (pour des professionnels !).
À l’opposé, si le numéro de contorsion avait de quoi impressionner en lui-même, l’interprétation de l’artiste avait de quoi le rendre mémorable, alors que tout son corps simulait l’intensité de cette lutte pour s’extraire de sa prison souterraine. La cohorte a d’ailleurs fait belle figure à cet égard.